Des jeunes américains disent pourquoi ils prennent du LSD (1966)

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Titre :
Des jeunes américains disent pourquoi ils prennent du LSD
Série :
Année de production :
Pays de production :
Réalisation :
Durée :
3 minutes
Format :
Parlant - Noir et blanc - 16 mm
Langues d'origine :
Sous-titrage et transcription :
Sociétés de production :
Commanditaires :
Archives détentrices :
Corpus :

Générique principal

journalistes : Olivier Todd, Jacques Trébouta

Contenus

Sujet

Témoignage de deux jeunes personnes des États-Unis qui font usage du LSD.

Genre dominant

Documentaire

Résumé

Interview d'un couple d'Américains prenant du LSD sur les effets de cette drogue. Parlant en anglais, avec une traduction off, ils décrivent les sensations et l'effet hallucinogène du LSD, ils expliquent pourquoi ils ont besoin de se détacher de la réalité. Les deux jeunes gens décrivent en anglais les effets et sensations qu’ils ressentent après une prise. Extrait d’un reportage nommé « La Mort de Venice USA » diffusé dans l’émission des « Cinq Colonnes à la Une ».

Contexte

À propos des expérimentations des substances psychoactives

Dans les cercles artistiques et intellectuels d'après la Seconde Guerre mondiale, un intérêt de plus en plus large se manifeste à propos des potentialités de ces substances pour élargir les voies de la perception, se rapprocher des souffrances psychiatriques, stimuler la création.

Deux repères : En 1954, Aldous Huxley a cherché, en s'essayant à la mescaline, à accéder à « une beauté plus intense, une signification plus profonde » que celles qui se rencontrent dans la vie ordinaire. Il insiste tout autant sur son sentiment d’avoir perdu pied au moment de subir ses effets : « Je me retrouvais tout à coup au bord de la panique. J’eus soudain l’impression que l’affaire allait trop loin ». Également en 1954, Henri Michaux s’adonne systématiquement aux drogues - mescaline surtout, mais aussi haschich, L.S.D., psilocybine. Ses expérimentations sont faites avec méthode, il est « accompagné par des psychiatres, selon des protocoles précis ».

Le LSD : histoire

De 1938 aux années 1940 : la découverte Le « LSD », abréviation de l’allemand Lysergsäurediethylamid, a été découvert en 1938 par le chimiste suisse Albert Hoffmann. À la recherche d’une substance pouvant tonifier le cœur, il s’intéresse alors à la diéthylamide de l’acide lysergique et l’expérimente sur des animaux : ce n’est pas concluant. C’est néanmoins en 1943 que Hoffmann décide de relancer ses recherches, et de tester la substance sur lui-même. Précautionneux, le chimiste n’ingère qu’un quart de milligramme. Cette première prise s’avère pourtant désastreuse comme en témoigne son créateur : « J’avais complètement sous-estimé le pouvoir de cette nouvelle substance et ce fut une expérience dramatique, un indicible “horror trip”. » Après sa popularisation, le LSD est célébré par tous les initiés lors du « Bicycle Day » tous les 19 avril, jour de la première prise par Hoffmann. On nomme ce jour ainsi en référence au vélo de Hoffmann, sur lequel il était lorsqu’il a ressenti les premiers effets. Au lendemain de cette expérience, le chimiste témoigne: « Ma première pensée a été que ce serait très important pour la psychiatrie ». Lorsque la guerre froide éclate avec l’Union soviétique, les États-Unis commencent à s’intéresser à l’éventuel potentiel de la substance psychédélique. La CIA lance ainsi en 1953 le projet « MK Ultra » afin de tester et d’analyser les effets de ce redoutable hallucinogène. L’objectif serait de s’en servir à des fins politiques comme « d’une arme inhibante non mortelle contre des ennemis et des adversaires ». Plusieurs expérimentations sont données sur des soldats, des scientifiques volontaires ou des ennemis de guerre, comme des Vietnamiens (cf. RIBOULET Mathieu, « Un paysage éthique. Manquements, dérives, dévoiements, crimes et autres dérapages médicaux », Les tribunes de la santé, n°41, 2013, pp. 89-98.) Les deux jeunes Américains dont il est question dans le film sont présentés comme des « Vénitiens », habitant à Los Angeles dans l’état de Californie. Durant les années 1960, cet environnement est propice au développement d’importantes contre-cultures. En effet, la société américaine est en proie à plusieurs tensions liées notamment à la guerre du Vietnam ainsi qu’à la menace nucléaire dans le cadre de l’affrontement constant entre l’URSS et les USA. C’est dans ce contexte particulier que naissent de véritables mouvements culturels antimilitaristes à l’influence grandissante, comme le mouvement « hippie » par exemple. La Californie apparaît alors comme un véritable berceau où se réfugient d’abord de nombreux artistes et intellectuels pour partager leurs aspirations. Au sein du mouvement hippie, la drogue, et notamment les drogues hallucinogènes, ont comme une place centrale. Présentées par les initiés comme de véritables moyens de fuir la réalité et de percevoir des choses encore imperceptibles à l’œil nu, les drogues psychoactives, et notamment le LSD, connaissent alors une très grande popularité en Amérique, puis dans le monde entier. Cette popularisation est aussi grandement favorisée par plusieurs personnes influentes : il peut s’agir d’artistes, comme Jim Morrison ou David Bowie, qui en ont fait la mention dans plusieurs de leurs chansons, ou bien encore du groupe britannique phare The Beatles, qui s’inspirent des visuels psychédéliques inspirés du LSD pour créer l’univers visuel et artistique de leur album Yellow Submarine (1967). Ces derniers ont d’ailleurs avoué par la suite avoir réalisé l’album « Revolver » en étant sous l’emprise du LSD. Cet album, sorti en 1966, est souvent surnommé « The Acid Album » (« l’acide » étant l’un des nombreux surnoms donnés au LSD). Connaissant l’influence planétaire qu’avaient les quatre garçons des Beatles dans les années 1960, on peut imaginer qu’ils n’étaient pas innocents concernant l’impact du LSD dans le monde (cf. PICKARD Sarah, « Les Beatles et la naissance de la culture jeune en Grande-Bretagne », Volume!, n°12, 2016, pp. 55-73). L’influence du LSD dans la culture populaire est devenue telle que lors du festival Woodstock en 1969, les membres du groupe Santana ont volontairement ingéré du LSD directement sur scène. Les années 1960 demeurent la période la plus propice au développement de ces drogues, aussi parce que les préventions et réglementations sont quasi inexistantes. Le monde scientifique et médical n’a pas assez de recul concernant les études en cours pour alerter la population sur sa dangerosité.

Médias et drogues

La consommation de drogues illicites est un phénomène nouveau pour la France qui, depuis les années 1940, mis à part quelques opiomanes, ne connaît pas les drogues. L’alcool et le tabac règnent en maîtres absolus sur le champ des addictions. Si l’héroïne apparaît parfois dans l’actualité, c’est en raison de son trafic vers les États-Unis. La "French Connection", centrée à Marseille, importe l’opium d’Asie pour le transformer dans des laboratoires autour de Marseille et l’expédier outre-Atlantique. Elle s’est considérablement développée dans les années 1960. En 1970, elle fournit aux États-Unis près de 90% de son héroïne. L’affaire du "gang des décapotables", qui transportait l’héroïne de Paris à New York, fait l’objet en 1968 d’une saisie record de 112 kg d’héroïne par le célèbre commissaire Carrère.

En avril 1966, Le Monde publie un dossier en trois épisodes portant sur les hallucinogènes, intitulé "les poisons de l’esprit". Cette enquête annoncée à la Une informe les Français sur "le drame qui se déroule depuis trois ans aux États-Unis et que nous commençons à connaître en France"1. En septembre de la même année, Le Crapouillot publie un numéro spécial LSD, "Une bombe atomique dans la tête", dans lequel sont croisés les points de vue les plus variés, de Timothy Leary à Maurice Papon en passant par François Mauriac. Y est aussi publié "Une visite en enfer", long texte de Jean Cau, prix Goncourt 1961. En octobre, des extraits de ce texte seront repris dans Paris Match sous le titre "J’accuse". L’introduction de cet article informe le lecteur qu’après "avoir fait des ravages aux États-Unis et en Angleterre, le LSD nous menace". Quelques mois plus tard, en février 1967, un petit revendeur de LSD est arrêté. La quantité est minime mais la saisie est historique puisque c’est la toute première sur le territoire français. Tous les journaux en parlent, y compris Le Monde, pourtant d’ordinaire peu enclin à traiter ce type de faits divers. Le 10 octobre, trois jeunes sont arrêtés, en possession cette fois de 4000 doses du même produit, ce qui fera aussi les gros titres. Parallèlement, les affaires de consommation de cannabis se multiplient : des lycéens, des étudiants, des jeunes travailleurs sont interpellés... En juillet, les sources reprises par l’ensemble des journaux font état de quelques milliers ou dizaines de milliers de "drogués". En août de cette même année, dans Le Parisien Libéré, toute affaire se rapportant à la drogue se voit affublée d’un bandeau "La drogue : menace n° 1 qui pèse sur le monde" et l’on ne se gêne plus pour interpeller les politiques afin que les peines liées au trafic soient à la hauteur du danger que représentent les drogues pour la société. Jusqu'en 1969, la recrudescence de la consommation de drogues concernait uniquement le cannabis et le LSD. Deux produits dont on connaissait mal les dangers et qu’un principe de précaution poussait certes à stigmatiser, mais deux produits qui n’entraînent finalement que des dépendances minimes et pas d’overdoses. Avec la diffusion de l’héroïne dont le fait divers d'une overdose survenue à Bandol est un évènement révélateur, la société est saisie d'une "panique morale".

Prévenir, accompagner, interdire

Considérant l’influence grandissante du LSD et des drogues plus largement, plusieurs États décident de se pencher plus sérieusement sur la substance et ses effets sur le cerveau humain. En 1966, ce sont les États de Californie et du Nevada qui en interdisent la consommation ainsi que la vente. En 1968, l’interdiction est étendue à l’ensemble des États-Unis. Le Royaume-Uni et la France décident également de réglementer ses usages la même année.

En 1970, la presse publie de nombreux témoignages de toxicomanes à l’héroïne, Robert Boulin, ministre de la Santé, ouvre avec son fils une association pour la prévention et le soin des toxicomanes, et Claude Olievenstein crée le centre Marmottan consacré aux soins aux toxicomanes, jusqu’alors pris en charge dans les services de psychiatrie. Devant les doutes, les hésitations des professionnels quant aux mesures à prendre, le gouvernement et les parlementaires élus au lendemain de 1968, ont ont voulu conforter l’opinion majoritaire par le message qu’on pouvait arrêter l’épidémie par une loi combinant la répression et l’incitation au traitement. Le drogué étant considéré comme "avant tout" ou "plutôt" un malade, ce qui sous-entend que c’est aussi un criminel qui menace l’ordre social. Loi de santé publique à connotation répressive, elle est adoptée en première lecture quasiment sans discussion, voit ses dispositions répressives majorées par le Sénat, puis est votée en seconde lecture le 10 décembre 1970.

La nouvelle loi place la toxicomanie dans "la lutte contre les fléaux sociaux" à côté de la tuberculose, les maladies vénériennes, le cancer, les maladies mentales et l’alcoolisme. Pas étonnant que sa dimension de salut public lui donne le privilège assez rare d’être votée à l’unanimité. Cf. "Le paysage médiatique de la drogue" par Vincent Benso sur le site Santé-réduction des risques-usages de drogues. En 1970, la présidence de Richard Nixon décide de classer le LSD comme une drogue de « catégorie 1 » présentant « un important potentiel d’abus » pour les Américains. En 1971, ce sont les Nations Unies (ONU) qui catégorisent la substance comme « psychotrope illicite » : cette déclaration à visée mondiale annonce peu à peu la fin des recherches scientifiques et déclenche le début d’importantes campagnes de prévention.

Un reportage de l’ORTF et de Cinq Colonnes à la Une'

Durant les années 1960, la RTF et l’ORTF proposaient plusieurs émissions aux Français, et notamment une émission de grands reportages qui s’appelait « Cinq Colonnes à la Une ». Le magazine d’information est diffusé en France du 9 janvier 1959 jusqu’au 3 mai 1968. Sa création est souvent associée à Pierre Lazareff, un producteur et journaliste français. Le programme est rapidement victime de son succès, tant il propose une vision du journalisme qui se veut moderne et innovante. Les reportages sont denses, mais entrecoupés de plusieurs scènes de terrain, d’un montage rythmé, pour ne jamais perdre le fil du film, et d’une voix off en guise de narration. Ces aspects peuvent paraître anodins à l’heure actuelle, ils étaient alors d’une grande nouveauté lors des débuts du journalisme télévisuel. Le magazine était généralement diffusé le soir, aux heures de grandes écoutes, soit à 20h30. Il était donc un programme grandement suivi par les Français.

Éléments structurants du film

  • Images de reportage : Oui.
  • Images en plateau : Non.
  • Images d'archives : Non.
  • Séquences d'animation : Non.
  • Cartons : Non.
  • Animateur : Non.
  • Voix off : Non.
  • Interview : Oui.
  • Musique et bruitages : Oui.
  • Images communes avec d'autres films : Non.

Comment le film dirige-t-il le regard du spectateur ?

Cet extrait, qui est la seconde partie d’une émission titrée « La mort de Venice USA » diffusée par le magazine des « Cinq Colonnes à la Une », a été réalisé et produit par l’ORTF (Office de Radiodiffusion Télévision Française) dans le but de faire découvrir aux Français le phénomène du LSD, et son influence sur la jeunesse américaine. En interviewant ce couple sur leur consommation d’hallucinogènes et sur les effets qu’ils ressentent, le journaliste adopte une démarche très contemplative et laisse la possibilité à ces jeunes de s’exprimer librement sans contrainte. Ils sont filmés en train de consommer, et décrivent les effets qu’ils ressentent juste après la prise, qui est elle aussi filmée. Cette démarche permet d’offrir un témoignage brut, et donc très proche de l’état d’esprit des deux jeunes et du mouvement auquel ils participent. Cette logique permet avant tout au spectateur de s’informer et de prendre connaissance de l’existence et de l’impact du LSD alors en pleine popularisation. En effet, la substance n’est pas encore connue de tous en 1966, et notamment en France. Aussi, il serait notable de rappeler que les risques sanitaires ne sont à aucun moment évoqués, ni par les jeunes ni par le journaliste. On y présente le LSD comme le « dernier hallucinogène à la mode ». Le journaliste s’intéresse à « l’importance des effets » de la substance et non à son éventuelle dangerosité. Le journaliste laisse même les deux jeunes avancer que le LSD serait « bénéfique pour les adultes comme pour les enfants ». Le regard du film sur la substance et leurs consommateurs restent assez neutres : aucune position n’est prise à cet égard. On sait que le reportage fut filmé en 1966, on ne sait pas cependant s’il fut réalisé avant ou après l’interdiction du LSD en Californie qui eut lieu la même année.

Comment la santé et la médecine sont-elles présentées ?

La médecine et la santé ne sont quasiment jamais évoquées dans le film, bien que l’on mentionne et montre à l’image deux jeunes en train de consommer une drogue hallucinogène. Le LSD n’est d’ailleurs jamais présenté comme une substance dangereuse pouvant causer d’importantes complications physiques et mentales. Rappelons qu’en 1966, les études sur le sujet ne sont pas assez conséquentes pour réaliser toute la dangerosité de l’hallucinogène. Celle-ci n’est d’ailleurs pas présentée comme une « drogue » dans le reportage. On pourrait être étonné du manque de prévention, et surtout de la consommation directement filmée et diffusée par l’ORTF. Néanmoins, il est essentiel de rappeler que le LSD apparaît comme quelque chose de foncièrement nouveau et commence tout juste à être étudié par les milieux scientifiques et médicaux. Le journaliste cherche davantage à s’intéresser aux effets ressentis, aux perceptions nouvelles que la substance pourrait déclencher, qu’à ses éventuels risques pour le corps humain. L’intérêt est ici de savoir ce que l’hallucinogène pourrait provoquer sur nos sens et nos perceptions. Par ailleurs, c’est notamment à la fin des années 1960 et surtout lors des années 1970 que le monde se rend peu à peu compte des dangers du LSD pour le cerveau et le corps humain. Sa consommation devient alors progressivement réglementée, voire interdite dans de nombreux États. Après les déclarations de l’ONU en 1971, le LSD devient illégal dans presque tous les pays du monde.

Diffusion et réception

Où le film est-il projeté ?

Télévision française, Cinq colonnes à la Une, 20h30.

Communications et événements associés au film

Public

Tout public

Audience

Descriptif libre

Introduction du sujet

00:00-00:12

Gros plan sur ce qui s’apparente être une peinture. On y voit une main tenant un pinceau, elle est en train de peindre. Autre plan serré sur la peinture. La caméra se meut, on aperçoit que le support utilisé est le dos d’une personne. Les motifs sont abstraits, un œil dessiné est perceptible. Gros plan sur les mains d’un homme, il tient une fiole de laquelle il sort deux buvards de LSD. La caméra suit la main, l’homme tend sa main à la femme disposée à côté de lui. La femme se saisit du buvard. La voix off s’exprime : « Pour échapper au type de civilisation offerte par Los Angeles, au-delà des philosophies ésotériques, d’assez nombreux Vénitiens se réfugient dans le dernier hallucinogène à la mode, le LSD ».

La prise de LSD filmée

00:12-00:33

Les scènes suivantes montrent les deux jeunes Américains consommer un buvard de LSD. Gros plan sur la femme en train d’avaler le buvard, elle sourit. Autre plan sur le visage de l’homme, il porte des lunettes de soleil. Plan sur le visage de la femme qui boit de l’eau dans un verre à vin après avoir avalé le buvard. Gros plan sur l’homme, il avale le buvard et prend une gorgée d’eau. Le LSD pouvait se consommer de plusieurs façons, mais la manière la plus répandue est probablement le « papier buvard ». Cela se présente sous la forme de petits papiers type « buvard » imprégnés de gouttes de LSD. Le papier buvard est un papier poreux capable d’absorber des petites quantités de liquide. Le LSD peut aussi se trouver sous forme liquide ou gélatineuse, c’est toutefois plus rare.

Pourquoi prendre du LSD ?

00:33-1:18

Le reportage se poursuit, plan large sur le journaliste et le couple qui est situé à gauche, assis sur des fauteuils. Le journaliste, quant à lui, est assis sur une chaise. Il se trouve à droite de l’image et tourne légèrement le dos à la caméra. Le journaliste pose une question : « Why do you take it ? » (« Pourquoi en prenez-vous? »). L’homme s’exprime en premier : « Je prends du LSD car c’est vraiment très agréable. Ça me permet de faire des choses normalement impossibles, avec mes yeux, mon esprit, mon corps. Ça me permet de voir, de sentir, d’une manière extraordinaire ». Il poursuit, mais ce n’est pas traduit par les journalistes: « It allows me to feel and hear, feeling ways I normally could not feel » (« Cela me permet de ressentir et d’entendre, d’une manière que je ne pourrais pas ressentir en temps normal »). Plan serré sur le jeune couple, la femme s’exprime : « You become totally aware, it’s sensational » (Traduction du reportage : « On devient complètement conscient, c’est inouï »). « I saw a molecular structure » (« J’ai vu une structure moléculaire »). « On parle de ça à l’école, mais sous LSD, on peut vraiment voir des structures moléculaires, dans des tables par exemple ».

Description des effets ressentis après la prise

01:18 - 02:00

Plan fixe sur l’homme et la femme qui sont assis sur un canapé. L’homme est au premier plan, il tient un flash d’appareil photo type ancien modèle dans sa main. La femme est à sa droite. L’homme appuie sur le flash, il fixe la lumière sortir de l’appareil, il s’exprime : « Formidable cette lumière ». Il redéclenche le flash une seconde fois, puis une troisième fois, cette fois-ci face à son amie. Elle s’exprime : « Des couleurs étonnantes ». Le journaliste la questionne : « Quelles couleurs ? ». La jeune femme répond : « Du violet…Toutes sortes de teintes. Du violet, du doré ». La jeune regarde avec insistance le flash que tient son ami. Son conjoint s’exprime à son tour : « Ça fait des anneaux, des anneaux partout. Violet au centre, puis jaune, puis violet, puis jaune ». Il bouge ses mains pour tenter d’expliquer son ressenti. Il sourit légèrement. Le LSD est en effet une substance hallucinogène psychédélique très puissante qui modifie grandement la perception des sens. Elle provoque des distorsions visuelles et auditives poussant les consommateurs à vivre une véritable expérience d’introspection, une sorte de « voyage intérieur ». Ce sont en tout cas les effets majeurs recherchés par les initiés. Le document se poursuit. Plan fixe et en légère contre-plongée sur les deux jeunes, assis sur un canapé. L’homme est en premier plan, la femme est à côté de lui, elle pose une tasse sur la table située sur sa droite. Elle fume une cigarette. Le journaliste les questionne : « Pour les adeptes du LSD, les hallucinations provoquées sont-elles importantes ? Quelle est la chose la plus importante ? ». La femme répond : « La clarté de la vision ». Le montage est ici important à prendre en compte : les scènes sont coupées et montées. L’intégralité de la scène n’a pas été gardée.

L’impact du LSD dans la société : la position de deux jeunes Américains

02:00 - 03:06

Plan fixe sur les deux jeunes, filmés de face, toujours assis sur le canapé. Ils ont les pieds sur la table. Cette attitude n’est pas anodine : il témoigne de la jeunesse des deux individus, et de leur esprit contestataire envers des mœurs et des normes sociétales encore soutenues dans les années 1960. L’homme s’exprime plus largement sur le contexte social dans lequel s’est développé, à son sens, le LSD : « Toute la civilisation occidentale s’est perdue, s’est emmêlée dans la technologie, en fabriquant des supers gadgets. ». Changement de scène, gros plan sur le visage de l’homme, il est en train de parler. « D’après ce que j’ai entendu, les quelques enfants qui ont pris du LSD n’en ont pas souffert. Parce qu’il n’y a pas eu de panique parmi les adultes autour d’eux. Le LSD n’est pas fait pour les enfants mais pour les adultes. L’esprit des enfants n’a rien à gagner au LSD. Leur esprit n’est pas encombré d’ordures, il n’a pas besoin d’être nettoyé ». Cette déclaration mérite ici toute notre attention. Le jeune homme présente le LSD comme une substance inoffensive, autant pour les adultes que les enfants. Il s’oppose à ce que les enfants en consomment, uniquement car ils n’en tireraient aucun profit. Il est intéressant de réaliser que la raison majeure à la prise de LSD réside dans cette faculté à s’échapper de la réalité, à fuir la cruauté du monde. Ces jeunes Américains des années 1960 ont grandi dans un contexte où la guerre et la violence étaient omniprésentes : le vestige de la Seconde Guerre, les tensions avec l’URSS, la guerre du Vietnam, les tensions liées à la ségrégation et les multiples discriminations faites aux femmes et aux personnes homosexuelles, etc. On peut ainsi comprendre comment le jeune homme puisse tenir un tel discours. C’est une période de profonds renouveaux intellectuels et culturels, dans laquelle plusieurs courants et contre-cultures se développent et s’exportent. On parlerait même de « révolution culturelle et sexuelle ». Cette déclaration sur l’esprit des enfants est ici intéressante : la consommation de drogues hallucinogènes leur permettrait de « nettoyer les ordures encombrées dans l’esprit », ce à quoi les enfants ne sont pas sujets car ils ne comprennent pas encore totalement le monde dans lequel ils vivent. Ce témoignage peut être choquant, car il dédiabolise totalement la prise de LSD, malgré cela, il est le reflet d’une jeunesse en profond mal-être et en total désaccord avec la société dans laquelle ils évoluent. Cette prise de conscience généralisée a donné lieu à plusieurs mouvements sociaux de grande envergure, comme celui de Mai 68 en France par exemple.

La caméra dézoome et passe du visage de l’homme à un plan large sur les deux jeunes, la jeune femme poursuit : « Les enfants en tout cas voient ce que nous nous percevons quand nous prenons du LSD. Les enfants ne sont pas coincés dans des définitions. À San Francisco, il y a un chat qui prend du LSD. Ça n’a pas l’air de l’avoir affecté ». L’extrait, et donc le film, se clôt sur cette déclaration. Pour cette dernière phrase, le narrateur prend un ton qui peut être perçu comme sarcastique.

Notes complémentaires

Fiches Medfilm sur le même sujet :

- Le LSD (1966)

- Nouvelles drogues de synthèse (1999)

- Les drogues et le système nerveux (1969)

Références et documents externes

CHASSAIGNE Philippe, Les années 1970 : Une décennie révolutionnaire, Paris : Armand Colin, 2018.

CREAGH Ronald, « V. Les « sixties », années du défi », dans Utopies américaines. Expériences libertaires du XIXe siècle à nos jours, dir. Creagh Ronald, Marseille : Agone, 2009, p. 207-252.

GIFFORT Danielle, Acid Revival: The Psychedelic Renaissance and the Quest for Medical Legitimacy, Minneapolis : University of Minnesota Press, 2020.

LEMMONIER Bertrand, « La folie LSD », L’histoire, n°266, 2002.

MARCHANT Alexandre, L’impossible prohibition : Drogues et toxicomanies en France 1945-2017, Paris : Perrin, 2018.

MOORE Ryan, « Contre-culture, musique et modernité dans les années 1960 », Volume!, 2012, pp. 33-49.

PICKARD Sarah, « Les Beatles et la naissance de la culture jeune en Grande-Bretagne », Volume!, n°12, 2016, pp. 55-73.

WILLIAMS Holly, How LSD influenced Western culture, 17 octobre 2018. URL. https://www.bbc.com/culture/article/20181016-how-lsd-influenced-western-culture

NOUVEL Pascal, Histoire des amphétamines, Paris : PUF, 2009.

RIBOULET Mathieu, « Un paysage éthique. Manquements, dérives, dévoiements, crimes et autres dérapages médicaux », Les tribunes de la santé, n°41, 2013, pp. 89-98.

SIFF Stephen, Acid Hype: American News Media and the Psychedelic Experience, Chicago : University of Illinois Press, 2015.

Contributeurs

  • Auteurs de la fiche : Loris Djebel


Erc-logo.png  Cette fiche a été rédigée et/ou traduite dans le cadre du projet BodyCapital, financé par l'European Research Council (ERC) et le programme de l'Union européenne pour la recherche et l'innovation Horizon 2020 (grant agreement No 694817).