Chantal Akerman à propos du film "Jeanne Dielman"

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Titre :
Chantal Akerman à propos du film "Jeanne Dielman"
Série :
Pays de production :
Réalisation :
Métrage :
7 mètres
Format :
Parlant - Couleur -
Langues d'origine :
Sous-titrage et transcription :
Sociétés de production :
Archives détentrices :
Corpus :

Générique principal

Réalisateur : Guy Seligmann - Présentateur : Pierre Bouteiller -* Participantes : Chantal Akerman, Delphine Seyrig

Contenus

Sujet

Chantal Akerman et Delphine Seyrig, respectivement la réalisatrice et l'actrice principale, sont interviewées sur le film « Jeanne Dielman, 23, Quai du commerce, 1080 Bruxelles » à l’occasion de sa sortie en salles de cinéma.

Genre dominant

Émission de plateau

Résumé

Chantal Akerman et Delphine Seyrig évoquent le film "Jeanne Dielman, 23 ; quai du commerce, 1080 Bruxelles". Selon la réalisatrice, Chantal Akerman, elle fait avec ce film "de l'art avec une femme qui fait la vaisselle". Delphine Seyrig en est l’interprète principale. Elle défend l'idée que c'est la première fois qu'un film traite de la vie d'une femme au foyer. (Source Ina)

Contexte

Chantal Akerman Chantal Akerman est une cinéaste belge qui s’est fait une place parmi les grands du cinéma à 25 ans, en 1975, avec la présentation à la Quinzaine des réalisateurs du Festival de Cannes de son troisième long métrage (de 3h13) Jeanne Dielmann, 23 quai du commerce, 1080 Bruxelles. Déjà dans ses premières réalisations (La Chambre, 1972 – Hôtel Monterey, 1972), elle a trouvé sa façon de s’exprimer à travers certains thèmes récurrents : femme et sexualité, espaces et déplacements, temporalité. Au-delà de ce qu’elle raconte et apporte au travers de ses réalisations, Chantal Akerman a aussi permis à beaucoup de femmes d’accéder à des postes cinématographiques techniques majoritairement occupés par des hommes : éclairage, prise de son…

Sur Jeanne Dielmann', 23 quai du commerce, 1080 Bruxelles' L’idée du film ‘Jeanne Dielmann, 23 quai du commerce, 1080 Bruxelles’ lui est venue en une nuit, elle confie dans une interview que l’écriture ne lui a pris que deux semaines, avec tous les détails, à la façon d’un Nouveau Roman. Tout a été ritualisé : la temporalité du film apporte une sorte de paix. Chantal Akerman a choisi Delphine Seyrig pour jouer le rôle de Jeanne parce qu’elle voulait une actrice qui n’a pas été montrée faisant les gestes usuels du ménage. Lors de la projection au Festival de Cannes, « les gens se levaient pour sortir de la salle, témoigne Chantal Akerman. Ils ne supportaient pas le film. Marguerite Duras s’est levée et a dit « cette femme est folle... ». Et pourtant le lendemain Chantal Akerman a été contactée plus de 50 fois pour diffuser le film en festival. (Interview mise en ligne sur YouTube par la chaîne criterioncollection le 6 oct. 2015 : https://www.youtube.com/watch?v=8pSNOEYSIlg).


Delphine Seyrig

Delphine Seyrig produit et réalise en 1976 le film documentaire Sois belle et tais toi, la même année qu’est diffusé le film Jeanne Dielmann…. Dans ce documentaire, qui ne sortira en salles que 10 ans plus tard, elle interviewe 24 actrices sur leurs expériences professionnelles dans le monde du cinéma en tant que femmes. En 1976, les femmes sont malheureusement beaucoup confrontées à un monde dans lequel les figures décisionnelles sont masculines. On leur propose bien souvent d’interpréter des rôles stéréotypés, basés plus sur leur apparence extérieure et leur capacité à vendre le film. Voici les noms des femmes et actrices interviewées dans de documentaire : Jenny Agutter / Juliet Berto (raconte avoir toujours regretté de ne pas être un garçon, de ne pas avoir cette liberté de sorties, sans se faire potentiellement agresser ou insulter...) / Ellen Burstyn / Candy Clark / Jill Clayburgh / Patti D’Arbanville / Marie Dubois / Louise Fletcher / Jane Fonda (revient sur les transformations physiques qu’on lui a demandé de faire : maquillage, couleur de cheveux, modifications du nez, de la poitrine…) / Rose de Gregorio / Lucie Guilbeault / Shirley MacLaine / Mallory Millet-Jones / Mady Norman / Millie Perkins / Rita Renoir / Telias Salvi / Maria Schneider (« Les producteurs sont des hommes, les techniciens sont des hommes, les metteurs en scène sont pour la plupart des hommes […] les agents c’est des hommes, des riches qui te donnent un script, qui te conseillent, qui t’orientent sont des hommes. Et j’ai l’impression qu’ils ont des sujets pour les hommes. ») / Barbara Steele / Susan Tyrell / Viva / Anne Wiazemski / Cindy Williams. Delphine Seyrig prend part aux mouvements féministes d’après mai 68. En 1982, elle crée avec Joana Wieder et Carole Roussopoulos le Centre audiovisuel Simone de Beauvoir.


Jeanne Dielman, 23 quai du commerce, 1080 Bruxelles

La place de la femme et sa gestion du temps

Le film nous montre à quel point la vie d’une femme est ritualisée et même chronométrée. Cette gestion du temps est répartie entre différentes tâches continuellement répétées : se lever - préparer le petit-déjeuner – réveiller son fils (Sylvain) – faire les courses, rentrer – commencer à faire la cuisine – sortir dans un café et s’asseoir à la même place, rentrer chez elle – recevoir un homme – cuisiner – retour du fils et repas, rangement – éteindre les lumières – dormir…

Le but de cette ritualisation est d’apporter une certaine forme de paix, de rassurer et ainsi d’éloigner toute angoisse qui pourrait survenir. Bien que Jeanne semble avoir du temps pour elle, ça n’est pas vraiment le cas. Les seuls vrais ‘contacts’ qu’elle a dans une journée sont brefs, et sont avec son fils et un homme par jour pendant la semaine. Elle s’occupe des hommes, au détriment de sa personne, elle s’oublie. Pour son fils elle cède son esprit, lui fait tout : lit, rangement, repas, révisions, et même la discussion. Pour ses ‘clients’, elle cède son corps, sans que ça ne lui apporte réellement aucune satisfaction.

Le personnage de Jeanne semble surtout représenter la femme ménagère qui s’occupe d’abord de son foyer. On voit dans ce film sa vie de mère et de femme ‘ménagère’, non celle de la femme. Rangement, ménage, vaisselle, cuisine, tout est propre, jusqu’aux vêtements sans plis ni taches, la coiffure impeccable. La charge mentale de Jeanne est représentative des clichés de l’époque représentée. Ce qui semble en apparence lui apporter la sérénité masque des angoisses prêtes à faire surface.

Santé mentale et psychique

Dans son film, Chantal Akerman filme trois journées de la vie d’une femme qui voit toute son organisation, voire sa vie retournée le jour où elle a une heure d’avance sur son programme. L’équilibre dans la vie Jeanne est déréglé à la fin du second jour, ainsi, cela touche sa routine mais aussi son équilibre mental. Ainsi Jeanne va ‘perdre’ du temps en perdant ses repères : horaire d’ouverture d’un magasin ; ne trouve au café ni sa place habituelle, ni la serveuse habituelle ; pas totalement prête quand son client du jour sonne… Il en résulte cet acte final, qui la laisse de marbre.

Ce déséquilibre psychique est peut-être induit par deux sujets de discussion évoqués par Sylvain, à Jeanne, après le repas et lorsqu’elle vient lui souhaiter une bonne nuit et éteindre la lumière. Le premier soir, ils ouvrent une lettre envoyée par de la sœur de Jeanne. Dans cette lettre la sœur de Jeanne indique avoir envoyé un cadeau pour Sylvain et interpelle Jeanne quant au fait qu’elle est célibataire et qu’elle pourrait rencontrer un homme. Sylvain aborde ainsi le sujet de son père et de la famille canadienne avec qui elle n’est plus vraiment en contact. La seconde nuit, alors qu’elle s’en va souhaiter bonne nuit à son fils, elle lui suggère qu’il pourrait inviter un ami à venir le lendemain. Sylvain lui indique alors que ça ne l’intéresse pas, et qu’il a eu une discussion avec cet ami au sujet des femmes et de la sexualité. Que ça l’écœure de savoir que son ami puisse envisager l’acte sexuel comme animal, voire même violent : l’homme dans la position dominante et la femme soumise au désir de l’homme.

On peut ici noter à quel point l’acte sexuel peut être envisagé pour un jeune homme. Le point de vue de Sylvain est très différent, en est presque opposé. Cela résulte peut-être du fait qu’il grandisse dans une famille monoparentale avec une mère célibataire (veuve). Il évoque aussi à sa mère sa lecture récente d’un court ouvrage sur le plaisir et la jouissance, qu’il trouve le discours de son ami mauvais. Il continue en expliquant le traumatisme et l’appréhension qu’il éprouve à la perspective que sa mère puisse avoir des relations intimes avec d'autres hommes. Cette discussion a peut-être mené sa mère à commettre un meurtre le lendemain, lorsqu’elle éprouve la culpabilité d’avoir ressenti du plaisir.

Le corps et le temps

Jeanne semble d’un premier abord avoir un rythme de vie qualifiable de "sain". En effet, chaque jour elle prépare trois repas, aère sa chambre, sort de chez elle et marche, n’a pas de télévision.

Une des qualités du film est que, pour chaque moment montré de ces trois journées, on est spectateur d’une action quasiment en temps réel, "complet". Le déséquilibre psychique de Jeanne est accentué par l’omniprésence lors de la dernière journée des horloges, mais aussi elle se retrouve à arriver trop tôt devant un magasin, à arriver plus tard au café…

Un film qui fait écho à une autre réalisation, Saute ma ville

Chantal Akermann a réalisé en 1968 le court-métrage Saute ma ville. Elle met en scène une jeune femme dans la cuisine d’un appartement, qui commet des actes de moins en moins sensés, jusqu’à ouvrir le gaz pour mourir et faire exploser son appartement.

Les actes sont progressifs : elle met une partie de son courrier dans l’évier et entre un placard ; s’assoit et ne fait rien ; fait tomber ses clefs, les ramasse et ferme la cuisine à clef ; fait cuire des pâtes, en mange une partie puis subitement pose le reste par terre, près de la gamelle d’un animal ; cherche une pomme et se met à scotcher les contours de la porte de cuisine ; va boire au robinet, est éclaboussée, rigole et va faire autre chose ; remplit une bouilloire et allume la gazinière ; finit de scotcher les contours de la porte ; fait sortir son chat de la pièce ; remplit un seau d’eau, le jette par terre et passe la serpillière… elle enflamme un courrier aimanté au couvercle du four. Son dernier geste est d’ouvrir le gaz et de coucher sa tête sur le brûleur.

Éléments structurants du film

  • Images de reportage : Non.
  • Images en plateau : Oui.
  • Images d'archives : Non.
  • Séquences d'animation : Non.
  • Cartons : Non.
  • Animateur : Oui.
  • Voix off : Non.
  • Interview : Oui.
  • Musique et bruitages : Non.
  • Images communes avec d'autres films : Oui. Jeanne Dielman, 23, quai du commerce, 1080 Bruxelles

Comment le film dirige-t-il le regard du spectateur ?

Comment la santé et la médecine sont-elles présentées ?

Diffusion et réception

Où le film est-il projeté ?

Le film est sorti en salles de cinéma le 21 janvier 1976.

Communications et événements associés au film

Des interviews et entretiens ont été filmés pour la télévision (émissions autour du cinéma, journaux télévisés), d'autres entretiens ont été accordés à la radio.

Public

télévisuel

Audience

Descriptif libre

La parole aux femmes : Chantal Akermann, la réalisatrice, mais surtout Delphine Seyrig, l’actrice

Question introductive de Pierre Bouteiller et résumé du film par Chantal Akerman, plan rapproché puis plan d’ensemble – 01:49

Question par P. Bouteiller sur le choix de ce rôle qui ‘déstarise’ l’actrice. – 02:03 / Delphine Seyrig parle de l’importance et du caractère inédit d’un personnage principal, une femme, montré à tous dans sa quotidienneté – 03:49

Question par P. Bouteiller sur la restitution de chaque scène du film quasiment toujours en temps réel, il insiste sur l’exemple de la préparation des escalopes panées – 04:15 / Delphine Seyrig s’est trouvée à apprendre beaucoup des gestes réalisés par le personnage de Jeanne Dielman. Elle dit encore qu’il semble naturel pour la majorité des personnes que les gestes vus et répétés dans le film reviennent aux femmes alors que c’est le contraire. – 05:21

Pierre Bouteille demande à D. Seyrig si, comme certains hommes ne pouvaient pas concevoir que le film montre une réalité (et qu’au contraire que c’est exagéré), ce n’était pas non plus le cas pour elle, ne menant pas cette vie-là. – 05:33 / Delphine Seyrig répond que ce n’est pas exagéré. Elle a pu ne pas choisir cette vie, contrairement à beaucoup de femmes. – 05:52


Un film dont le but est de défendre "la femme" ?

Question de Pierre Bouteiller relative au film qui ferait la défense de la femme. – 06:00 / Delphine Seyrig adresse la question à Chantal Akerman 06:03 / Chantal Akerman dit qu’elle n’a pas fait un film à "thèse" – 06:06 / Delphine Seyrig la rejoint et explique que C. Akerman a choisi de montrer ce qu’elle a vu faire son entourage féminin, que le sujet traité la touchait de près – 06:22 / Chantal Akerman explique avoir observé, enfant, des femmes se pencher et s’occuper des tâches du quotidien, et non un homme. Les valeurs inculquées aux femmes et aux hommes ne sont pas les mêmes, elle a fait ce qui l’intéressait en faisant "de l’art avec une femme qui fait la vaisselle.". – 06:51

Notes complémentaires

N° de notice Ina : I00016221 Mots clefs : cinéma ; film (Jeanne Dielman , 23 quai du commerce Bruxelles) ; féminisme Emission de diffusion (Source Ina) : Clap

Références et documents externes

- Incrustations en fond de quelques photogrammes du film "Jeanne Dielman, 23, Quai du commerce, 1080 Bruxelles"

Contributeurs

  • Auteurs de la fiche : Caroline Sala


Erc-logo.png  Cette fiche a été rédigée et/ou traduite dans le cadre du projet BodyCapital, financé par l'European Research Council (ERC) et le programme de l'Union européenne pour la recherche et l'innovation Horizon 2020 (grant agreement No 694817).