Caramel (1958)
Caramel
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Title | Caramel |
Series | Le goûter |
Year of production | 1958 |
Country of production | France |
Director(s) | Arnaud Desjardins |
Duration | 12 minutes |
Format | Parlant - Noir et blanc - 16 mm |
Original language(s) | French |
Production companies | RTF |
Archive holder(s) | INA |
Main credits
Content
Theme
Main genre
Synopsis
Context
Structuring elements of the film
- Reporting footage : No.
- Set footage : Yes.
- Archival footage : No.
- Animated sequences : No.
- Intertitles : No.
- Host : Yes.
- Voice-over : No.
- Interview : No.
- Music and sound effects : No.
- Images featured in other films : No.
How does the film direct the viewer’s attention?
How are health and medicine portrayed?
Broadcasting and reception
Where is the film screened?
Presentations and events associated with the film
Audience
Local, national, or international audience
National
Description
L’émission s’ouvre sur un plan américain donnant à voir Xavier qui râpe du chocolat, seul face à la caméra. S’en suit un court plan serré en plongée sur l’assiette de chocolat râpé. La présentatrice arrive ensuite en plateau accompagnée de son petit camarade Hugues. Elle présente les deux concurrents, malgré quelques problèmes de mémoire, puis s’enquiert de la recette de goûter proposée aujourd’hui. En dépit des règles du concours, les enfants ont commencé les préparatifs avant le début de l’émission car leur recette demande beaucoup de temps de préparation. Dès le début, Catherine Langeais instaure une relation directe avec le public puisqu’elle demande aux enfants de « dire bonjour » aux téléspectateurs et s’adresse directement à eux : « à propos, vous êtes peut-être déjà en train de manger des tartines, bon appétit ». Malgré cette apparente sympathie envers les téléspectateurs, la présentatrice ne se montre pas très agréable avec les enfants en plateau, dont elle ne se souvient même pas des prénoms, si elle n’est pas piquante. C’est le cas par exemple lorsqu’elle demande le nom de la recette du jour. Elle lance alors une pique au garçon qui vient de répondre : « des caramels, on se serait douté qu’ils étaient au chocolat ». On sent également beaucoup de soupçons dans la question qu’elle pose à Hugues concernant son habitude de cuisine à la maison. Catherine Langeais enjoint ensuite les enfants, sur un mode impératif, à se dépêcher afin de finir la recette à temps.
Alors que Xavier commence à présenter les ingrédients de la recette, il est repris par la présentatrice au moment où il dit utiliser du « chocolat Foucher ». Elle le corrige aussitôt en affirmant, sans la moindre remarque, mais sur un ton plus insistant « du gros chocolat … ». Xavier, conscient de son erreur, se corrige immédiatement : « du gros chocolat à cuire ». Alors que l’angle de tournage était pendant tout ce temps resserré sur les mains de Xavier, le plan suivant montre la présentatrice et Hugues qui esquissent des sourires en coin, conscients du dérapage télévisuel qui vient de se produire. Hugues est particulièrement distrait, il regarde au loin derrière la caméra, ce qui lui vaut un rappel à l’ordre de la part de Catherine Langeais. Il était en effet interdit de citer des noms de marque à la télévision.
*01:31 – 06:10 Un chef et un second : Catherine Langeais marque la différence
Comme le laissait présager le premier plan de l’émission, les explications de la recette des caramels au chocolat sont données par le plus grand des garçons. Xavier prend en effet le rôle du chef en s’attachant à présenter les différentes étapes et à donner des instructions à son ami Hugues, qui fait, quant à lui, office de second de cuisine. Cette position de leader dans la cuisine lui vaut d’ailleurs les éloges de Catherine Langeais. La présentatrice montre en effet de l’admiration envers Xavier qui dit aimer cuisiner le dimanche à la maison. Sa réaction révèle la dimension fortement valorisante car exceptionnelle que revêt la cuisine masculine dans les représentations de l’époque. Cette conception se retrouve parfaitement illustrée dans l’ouvrage de Raymond Oliver La cuisine pour les hommes. Si la cuisine des femmes est considérée comme routinière car elle correspond à une fonction alimentaire de base, la cuisine des hommes est conçue comme une cuisine créative et exceptionnelle[5]. On retrouve cette représentation très valorisante de la cuisine masculine dans les remarques admiratives, voire flatteuses, que fait Catherine Langeais à Xavier. Contrairement à Hugues qui est encore considéré comme un enfant, sur lequel elle a une emprise, elle considère Xavier déjà comme un adulte quand elle lui dit par exemple « quelles sont vos autres recettes ?... vos spécialités Monsieur ? » ou « ça va comme ça Monsieur, maître ça va ? » (03:27).
Hugues, quant à lui, est relégué à des tâches moins valorisantes. Il est notamment chargé de mesurer les ingrédients à l’aide d’un verre. Dans les années 1950, la ménagère ne disposait en effet que rarement de vrais instruments de mesure. Elle utilisait donc des ustensiles de la cuisine pour réaliser ses recettes. Ce recours à des objets simples s’explique aussi par le public enfantin pour qui les recettes doivent être rendues accessibles. Si les considérations nutritionnelles sont absentes car l’objectif de l’émission est de montrer des savoir-faire, il est tout de même possible d’étudier les pratiques alimentaires à travers la représentation culturelle et symbolique des aliments. C’est le cas par exemple du sucre en poudre qu’Hugues est chargé de mesurer. Catherine Langeais veille en effet scrupuleusement au respect de la quantité annoncée et enjoint le petit garçon à remplir le verre à ras bord. Sa remarque finale « avec le sucre, on te permet de le [(le verre] remplir ! » (03:19) témoigne de la valorisation symbolique de cet ingrédient dans les années 1950, liée à l’expérience du rationnement alimentaire durant la Seconde Guerre mondiale et jusqu’en 1949.
Catherine Langeais veille également aux bonnes conditions de tournage. Elle demande à plusieurs reprises à Hugues de se rapprocher du plan de travail afin d’être dans l’angle de la caméra, et à Xavier de pencher la casserole pour mieux voir la préparation. Les nombreux gros plans tournés en plongée sur la casserole témoignent de la valorisation télévisuelle des gestes techniques. La présentatrice s’assure également de l’intelligibilité des paroles des enfants, notamment lorsqu’elle demande au petit garçon, sur un ton quelque peu agacé, de répéter ses explications plus fort. Si Catherine Langeais s’assure que l’émission ‘fonctionne’ au sens télévisuel, elle est aussi la garante de la sécurité des enfants. Elle prend en effet la charge de gérer la température du gaz, et de le rallumer si besoin.
Le contraste entre l’attitude qu’adopte Catherine Langeais avec Xavier et l’attitude qu’elle adopte envers Hugues est très fort. Profitant de la timidité et du manque d’entrain du plus jeune, elle n’hésite pas à lui donner des ordres comme le prouvent ces nombreux impératifs (« tiens, fais, nettoie un petit peu, va » (05:29)). Elle confie les tâches les plus techniques au plus âgé qui se montre dégourdi et plein d’initiative, à l’image d’un professionnel. Comme lorsqu’elle demande à Xavier d’huiler la plaque de marbre à la place de son camarade. Par ailleurs, Catherine Langeais cherche à montrer l’accessibilité de la recette en soulignant à plusieurs reprises qu’il n’est pas nécessaire d’avoir un marbre chez soi pour réaliser des caramels au chocolat.
*06:10 – 09:10 Arrivée théâtrale de Raymond Oliver, entre chef et comique
La séquence suivante est marquée par l’entrée théâtrale de Raymond Oliver sur le plateau. Appelé par la présentatrice, il se fait en effet d’abord entendre (« avec joie » à 06:13) avant de « rentrer en scène » physiquement. Habituellement, le chef arrive à la fin de l’émission afin d’apporter son expertise ou son aide aux enfants. C’est le cas dans cet épisode où il fait allusion, quelques minutes après son apparition, à une technique particulière de moulage des caramels qui nécessite l’usage de « règles à caramels ». Il invoque la dimension artisanale de cette technique lorsque Catherine Langeais se porte au secours des enfants pour justifier le caractère « maison » de la recette.
Mais le rôle d’expert de Raymond Oliver se double rapidement d’un rôle de comique, censé autant faire rire les enfants que divertir les téléspectateurs. Pour cause de grande faim, il joue au gourmand et se met en scène en train de manger du miel puis du chocolat. La figure du comique apparaît assez tardivement dans l’émission Le Goûter. Relégué au statut d’expert et de juge dans les premiers épisodes, Raymond Oliver se dote du statut de comique afin de renforcer sa présence en plateau et à l’écran. Ce nouveau statut est acté par le rituel de la blague, auquel le chef ne déroge pas dans cet épisode. Comme souvent, la « petite histoire » ne fait qu’esquisser un sourire aux enfants. En l’absence de réel succès, le chef reprend rapidement la casquette de l’expert en surveillant la cuisson du caramel, et en s’assurant de la sécurité des enfants. Il prend en effet la casserole chaude en main afin d’éviter que les enfants ne se brûlent (08:40). Catherine Langeais intervient alors immédiatement pour corriger la position de ses mains : « ah c’est gentil de présenter le derrière de la casserole à la caméra […] ça, c’est la spécialité de Raymond ». Le chef essaye d’ajuster son geste à l’angle des caméras (« regardez ce que je fais, je suis en train de tourner de façon à faire voir l’intérieur de la casserole ») mais cela ne fonctionne pas car il semble ne pas connaître l’emplacement de la caméra qui filme. Cet élément contradictoire confirme le caractère brouillon de l’émission Le Goûter.
*09:11 - 11:53 Des problèmes télévisuels
La dernière séquence est marquée par une coupe franche qui s’explique par l’annonce d’un nécessaire temps de refroidissement des caramels (09:10). Au plan suivant, le chef a disparu du plateau. Les enfants, aux côtés de Catherine Langeais, se mettent à couper les caramels. Le temps accordé aux caramels pour refroidir n’a cependant pas suffi car leur texture est toujours molle, ce qui rend leur découpe plus difficile. Le temps est en effet une dimension particulièrement complexe dans une émission de cuisine dont la durée correspond rarement au temps de préparation d’une recette. Mais il y a une autre dimension, propre aux conditions de tournage en plateau, qui crée des désagréments techniques : la chaleur. Cet élément est mis en cause par Raymond Oliver qui a refait, entre-temps, son apparition à la demande de la présentatrice. La chaleur produite par les projecteurs en plateau empêche en effet la bonne réalisation de certaines recettes. Le chef vient encore une fois en aide aux enfants mis en difficulté en leur montrant la technique de découpe des caramels. Le recours au grand plan montre l’importance du geste technique proposé par le chef.
Élément très surprenant, Catherine Langeais demande à goûter les caramels. En effet, il n’est pas usage dans l’émission de goûter les plats réalisés, ce que prouve d’ailleurs le simple fait que les enfants eux-mêmes ne goûtent pas. Mais il semble que la présentatrice ne puisse résister à sa gourmandise, du moins c’est ainsi qu’elle excuse le non-respect de la règle. Conquis, les présentateurs incitent finalement les jeunes téléspectateurs à voter pour Hugues et Xavier.Supplementary notes
References and external documents
Gaillard, Isabelle, La télévision : histoire d’un objet de consommation, 1945-1985, Paris, 2012.
Roger, Olivier, Les mises en scène de la cuisine dans les émissions de recettes à la télévision française, Mémoire de Master 2 Histoire sous la direction de Pascal Ory, 2014.
Contributors
- Record written by : Amélie Kratz
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Cette fiche a été rédigée et/ou traduite dans le cadre du projet BodyCapital, financé par l'European Research Council (ERC) et le programme de l'Union européenne pour la recherche et l'innovation Horizon 2020 (grant agreement No 694817). |
- ↑ Le concept d’« émission de recettes » est forgé par Olivier Roger dans Les mises en scène de la cuisine dans les émissions de recettes à la télévision française, Mémoire de Master 2 Histoire sous la direction de Pascal Ory, 2014.
- ↑ Gaillard, Isabelle, La télévision : histoire d’un objet de consommation, 1945-1985, Paris, 2012, p.117-119.
- ↑ Cité dans Cohen, Évelyne, et Lévy, Marie-Françoise (éd.), La télévision des Trente Glorieuses : Culture et politique. Paris, 2007.
- ↑ Selon le magazine Télérama (n°407 à 465), l’heure de diffusion variait entre 15h30 et 17h30.
- ↑ Roger, Olivier, Les mises en scène de la cuisine dans les émissions de recettes à la télévision française, Mémoire de Master 2 Histoire sous la direction de Pascal Ory, 2014,p.70.