Médecins des prisons - 2ème partie (1976)

De Medfilm



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Titre :
Médecins des prisons - 2ème partie
Série :
Année de production :
Pays de production :
Durée :
60 minutes
Format :
Parlant - Couleur - 16 mm
Langues d'origine :
Sous-titrage et transcription :
Sociétés de production :
Archives détentrices :

Générique principal

« une émission de igor barrere, pierre desgraupes, étienne lalou. présentée par étienne lalou. réalisation : igor barrere »


Générique de fin :

« une émission de igor barrere, pierre desgraupes, étienne lalou. présentée par étienne lalou. images : daniel henneveux. son : daniel dumange, marc broussard. assistante : renata parisi. scripte : m-christine sentenac. réalisation : igor barrere »

Contenus

Sujet

Deuxième partie du documentaire sur les médecins des prisons. La médecine pénitentiaire à Fleury-Mérogis, la vie et la santé des détenus, la dépression, le rôle du personnel médical.

Genre dominant

Documentaire

Résumé

Le journaliste Étienne Lalou visite la prison de Fleury-Mérogis et interviewe ses détenus, ses médecins et certains membres de l'administration sur la question de la médecine en prison.

Contexte

Après la Seconde Guerre mondiale, un document nommé “Principes formulés en mai 1945 par la commission de réforme des institutions pénitentiaires françaises” annonce que le but premier de la peine de prison est la réinsertion. Cela conduit à la “réforme Amor”, prenant le nom du directeur de l’administration pénitentiaire française de l’époque. Le traitement du prisonnier doit être humain, adapté à son crime et à sa personnalité. On supprime les pratiques jugées dégradantes comme le port obligatoire de sabots, le port des fers pour les condamnés à mort,…

Le sanatorium de Liancourt est créé en 1947, le centre d’observation psychiatrique à Château-Thierry en 1950. Il s’agit avant tout de sortir les détenus les plus problématiques des autres prisons. Des annexes psychiatriques sont ajoutées à de nombreuses prisons, surtout dans un but d’observation par les criminologues, des criminels les plus perturbés. Dans les années 1960, les personnels médicaux et sociaux sont augmentés dans les prisons françaises. Des formations universitaires spécifiques à la médecine pénitentiaire apparaissent.

En 1972, les aménagements de peine pour bonne conduite sont créés car les prisons françaises sont surpeuplées. En 1975, l’administration pénitentiaire se dote de centres de détention de plus en plus orientés vers la réinsertion. En 1976, l’administration pénitentiaire française dépend du ministre de la Justice Jean Lecanuet, ministre du gouvernement de Jacques Chirac. La prison de Fleury-Mérogis est ouverte en 1968 car la prison de la Santé est vétuste et surpeuplée. L’établissement pour jeunes adultes ouvre en 1967 et une maison d’arrêt pour femmes voit le jour en 1968. Cette prison se présente à l'époque comme nouvelle, moderne et bien équipée par rapport aux prisons plus anciennes.

En 1971, un groupe d'intellectuels (Michel Foucault, Pierre Vidal-Naquet, Jean-Marie Domenach) créé le Groupe d'Information sur les Prisons suite à des grèves de la faim de détenus et prévenus. Leur but est de donner la parole aux prisonniers, trop marginalisés et jamais écoutés selon eux. Le GIP et les grèves d'ateliers de prisons qui éclatent au début des années 1970 mettent ce groupe social oublié sur le devant de la scène médiatique. Une mutinerie a lieu à Toul en décembre 1971, et en janvier 1972 à Nancy. Le GIP est dissolu en 1972 mais son action est prolongée par le Comité d'Action des Prisonniers fondé en novembre 1972.

En 1975, le philosophe Michel Foucault dresse une histoire des prisons dans son ouvrage "Surveiller et punir" qui connaît un grand succès. Il y explique que la prison est un lieu d'utilisation de la psychiatrie et de méthodes disciplinaires pour modifier l'individu dans sa personnalité de criminel.

Éléments structurants du film

  • Images de reportage : Oui.
  • Images en plateau : Non.
  • Images d'archives : Oui.
  • Séquences d'animation : Non.
  • Cartons : Non.
  • Animateur : Oui.
  • Voix off : Oui.
  • Interview : Oui.
  • Musique et bruitages : Oui.
  • Images communes avec d'autres films : Non.

Comment le film dirige-t-il le regard du spectateur ?

Le film dirige le regard du spectateur vers les médecins et les détenus, filmés en plans poitrines, plans moyens voire en gros plans lors des interviews. Les soignants comme les patients sont humanisés et les détenus sont écoutés par l'animateur, y compris lorsqu'ils critiquent la prison et son rôle dans la société. Les plans larges sur des couloirs de prisons, des façades et des portes à barreaux rappellent constamment l'enfermement et le manque d'espace dont souffrent les prisonniers, et qui sont des conditions d'exercice de la médecine très particulières.

Les gardiens sont peu montrés, uniquement en plans larges et moyens et train d'exercer leur rôle (notamment ouvrant et fermant des portes). C'est leur rôle de surveillance et de coupure d'avec le monde qui est mis en avant. Ils ne sont pas interviewés, même lorsque leurs conditions de travail sont abordées.

Comment la santé et la médecine sont-elles présentées ?

La santé et la médecine sont montrées comme une aide apportée aux détenus : divers médecins expliquent la souffrance des détenus, leurs automutilations qui sont des appels à l'aide, et la réponse des médecins. Les détenus en dépression expliquent les soins qui leur sont donnés. Mais d'autres médecins et détenus montrent que les soins ne sont qu'une façon de pallier aux mauvaises conditions de vie en prison, pour éviter des morts et donc protéger l'administration pénitentiaire. La médecine, et surtout ses praticiens, est montrée comme étant divisée entre les intérêts des prisonniers et ceux de l'administration.

Ce documentaire peut également viser à rassurer les Français inquiétés par les mutineries de prisonniers du début des années 1970 et alertés par le Groupe d'Information sur les Prisons.

Diffusion et réception

Où le film est-il projeté ?

Télévision nationale

Communications et événements associés au film

Public

Familial, grand public

Audience

Descriptif libre

L’entrée en prison

[00’00]

Générique de l’émission (début du 4è mouvement de la symphonie n°9 « Du Nouveau Monde » d’Antonin Dvorak). Plan panoramique de la prison de Fleury-Mérogis. Zoom avant sur l’une des fenêtres, plan panoramique vertical et zoom arrière. Plan d’ensemble et zoom avant. Un fourgon cellulaire se présente devant la grille d’entrée. Celle-ci est ouverte latéralement pour laisser passer le véhicule. Plan fixe et plan moyen. Le fourgon pénètre dans la prison, tandis que la grille se referme sur le monde libre. Trois gardiens en font sortir un détenu du « parquet de Paris ». Caméra portée. Ils entrent dans un hall de prison et l’un des gardiens retire au détenu la chaînette qui le maintenait attaché à son collègue. En voix off, Étienne Lalou rappelle qu’un médecin interviewé dans la première partie du documentaire affirmait qu’il ne faut pas "psychiatriser" la prison, et explique que l’entrée dans celle-ci est en elle-même un traumatisme. Etant passés devant plusieurs portes ouvertes, les gardiens s’arrêtent devant l’une d’elles, la font franchir au détenu et la referme derrière lui.

Gros plan sur des plaques numérotées. Un gardien prend celle portant le chiffre “5111” et la place sur une porte de cellule, puis ouvre la porte et demande au détenu de sortir pour être photographié. Les clichés étant pris, le gardien, derrière une grille, demande au détenu diverses informations. En voix off, Étienne Lalou explique que la privation de liberté, mais aussi le traitement inhumain qui transforme le sujet en objet, créent des troubles de la personnalité.

[04’07]

Plan américain en contre-plongée sur un gardien en uniforme, qui traite des documents avec une imprimante. En voix off, le journaliste dit que la claustrophobie et la séquestration créent un sentiment d’abandon qui donne lieu à des suicides, des automutilations et à l’ingestion de corps étrangers. Le gardien prend les empreintes digitales du détenu puis lui demande de lui donner ses affaires. Toujours en voix off, Étienne Lalou demande si l’intervention des médecins de prison doit avoir lieu sur le plan physique ou sur le plan mental, s’il faut intervenir dès l’entrée, et si la condition pénitentiaire est une question médicale ou uniquement sociale. Il annonce que la seconde partie du documentaire veut répondre à cette question.

Plan moyen. Une salle aux murs blancs, avec un gardien assis à un bureau. Il demande au détenu de se déshabiller. Le prisonnier, de dos, s’exécute. Le gardien fouille ses vêtements et les passe au détecteur de métaux. Plan rapproché taille de profil. Le prisonnier debout dans une machine de radiographie. Autres plans moyens. Le détenu est derrière une table. Il se rhabille et prend son « plateau », sur lequel est posé du linge. Un gardien accompagne le prisonnier jusqu’à une cellule et l’y enferme.

[08’28]


Rencontre avec un jeune détenu suicidaire

[08’29]

Plan général. Un long couloir blanc avec des portes de cellules s’alignant des deux côtés. Étienne Lalou explique en voix off qu’à Fleury-Mérogis, plus grande prison de France, il a rencontré un jeune prisonnier considéré comme dangereux par les gardiens et qui a tenté de se suicider. Jouant au dur devant l’équipe de télévision, il leur a néanmoins fait comprendre que la prison n’engendre que le désespoir et « le défi ». Plan moyen. Un gardien ouvre la porte d’une cellule, y pénètre, prend une chaise, monte dessus, ouvre la fenêtre et vérifie d’un coup de barre de fer le bon état des barreaux. Il redescend de la chaise, sort de la cellule et en referme la porte à clef. Suivi par l’objectif de la caméra, il se dirige vers la porte de la cellule suivante.

Plan poitrine. Le jeune détenu est assis devant une fenêtre à barreaux. Il a 23 ans et a déjà fait plusieurs peines de prison. Étienne Lalou lui demande pourquoi il a tenté de se suicider à plusieurs reprises. Le détenu lui dit qu’il y a de nombreuses raisons dont la principale est le défi. Il s’agit selon lui de montrer aux gardiens que, dans cette prison moderne, ils ne tuent plus physiquement mais moralement. Leur relation est faite d’antagonisme et de mépris. À la question de souhaiter une « autre vie », il répond qu’il aimerait bien être avec une fille, mais il n’a que ses fantasmes et la masturbation devant des photos érotiques. Il veut bien vivre dehors mais la prison ne lui apporte pas le nécessaire pour cela. Prévenu, il estime ne pas pouvoir faire de projets d’avenir. Ses quelques échanges avec ses codétenus lui fond déduire qu’ils « pensent tous pareil ». Il lui semble que tirer sur des policiers ou braquer une banque peuvent être des formes de suicide. À ses yeux, il y a de l’espoir mais il n’imagine pas un changement positif dans la société si les hommes sont méprisés et conditionnés.

[12’53]

Gros plan de trois quarts face gauche. Le docteur Proust, médecin interne déjà interviewé dans la première partie du documentaire, analyse le comportement des prisonniers suicidaires. Il dit que la prison peut être révélatrice de certains troubles qui n’existaient pas avant et qui n’auraient pas existé chez le sujet si ce dernier n’avait pas été emprisonné. Ce masochisme s’explique selon lui par le plus grand nombre de psychopathes en prison qu’ailleurs. Il définit ceux-ci comme des « déséquilibrés caractériels » accumulant les malchances. Insupportables en psychiatrie car intolérants à la contrainte et à la discipline, ils sont aussi incontrôlables, impulsifs et imprévisibles. Très nombreux en prison, ce sont des marginaux. Il évoque le père de la sociologie Emile Durkheim pour étayer ses propos. Sa citation comporte une erreur : il cite une étude de Durkheim qu’il date de 1930 alors que ce sociologue est mort en 1917.

[14’45]


La première rencontre avec le personnel psychiatrique

[14’46]

Plan américain. Un gardien se présente devant une porte grillagée avec deux détenus. Son collègue, de l’autre côté de celle-ci, lui ouvre et les fait passer tous les trois. Plan d’ensemble. Dans une salle de la prison de la Santé sont assis plusieurs hommes, chacun devant une table. Un médecin est debout devant eux. En voix off, Étienne Lalou explique qu’à leur arrivée, les prisonniers sont soumis à un interrogatoire permettant au personnel médical de connaître leurs problèmes psychologiques. Il introduit le docteur Yvert, médecin chef de l’hôpital psychiatrique de la prison de la Santé.

Plan poitrine. Le docteur Yvert explique que le personnel médical rencontre tous ceux qui entrent en prison dans la soirée qui suit leur arrivée. Plan moyen. Le médecin qui supervisait le remplissage des questionnaires dans la salle précédente est assis à une table, face à un détenu filmé de dos. Il lui pose de nombreuses questions sur sa situation médicale, familiale, professionnelle et personnelle.

[18’41]

Retour au plan poitrine du docteur Yvert. Il explique que ce premier entretien est une prise de contact, mais que tous les détenus n’ont pas besoin de médecin psychiatre : il ne veut pas psychiatriser la délinquance. Les gens du « milieu », les truands notamment, ont fait de la délinquance leur métier ; ils vivent la prison comme un « accident du travail » et n’ont besoin ni du médecin ni du psychiatre. Ceux-ci voient surtout « les amateurs et les ratés de la délinquance ». Plan d’ensemble. Un couloir de prison blanc et moderne avec de lourdes portes de cellules. Panoramique vers le haut. Un médecin marchant sur un couloir en mezzanine. La voix d’Étienne Lalou s’adresse à un homme en lui rappelant que l’avant-veille, il était dans un état dépressif.

[20’20]


L’importance du médecin de prison pour les détenus

[20’21]

Autre plan d’ensemble. Une cellule comprenant un portant à vêtements, un lavabo, un petit bureau. Le journaliste est visible de trois quarts dos gauche, assis sur une chaise basse, alors que le détenu à qui il s’adresse est derrière une table, sur une chaise haute. Il confirme être en dépression. Les médecins l’aident surtout avec des médicaments, qu’ils aimeraient remplacer par des travaux manuels, ce qui est impossible en prison. Zoom avant et plan américain. Le détenu dit souffrir beaucoup de la solitude et ses camarades aussi. Il se confie volontiers au médecin. Gros plan sur son visage. Le journaliste, hors champ, lui demande s’il sera débarrassé de ce problème une fois revenu à la vie civile. Le prisonnier en semble persuadé du fait de son mariage et de son embauche prévue à sa sortie de détention, alors qu’il souffrait auparavant de blocages à ce sujet.

[23’33]

Plan général depuis une passerelle entre deux couloirs en mezzanine, au-dessus du couloir principal. Un homme en blouse blanche regarde dans une cellule par l’œilleton de la porte. Panoramique vers le haut et le plafond en verrière. La voix du journaliste présente un interne en médecine et lui demande quel est son statut dans la prison. Plan poitrine. Son interlocuteur est en costume à carreaux et confirme qu’il est interne en médecine de prison. Plan panoramique latéral. Les bâtiments de la prison et la pelouse de la cour. En voix off, le médecin explique qu’il y a en prison une énorme demande médicale. Alternance de plans poitrine sur l’interne, de zooms arrière et de plans panoramiques sur les fenêtres de la prison. Le docteur explique qu’en prison, les gens sont seuls et tous leurs problèmes sont amplifiés. Les médecins sont donc appelés pour des maux sans importance, dus à l’anxiété, ce qui était sévèrement jugés il y a encore quelques années. Il considère qu’il s’agit d’appels au secours mal définis mais en rapport avec la « vie globale » du sujet.

Plan d’ensemble. Une cellule avec un lavabo, un lit et une petite table. Le journaliste est assis sur le lit, tourné vers un détenu lui aussi assis et de face. Celui-ci explique que le problème en prison est la solitude ; le contact avec d’autres détenus aiderait à la combattre. Il y a une fausse pudeur en prison car les valeurs d’amitié n’y existent pas vraiment. Il confirme à Étienne Lalou qu’il y a beaucoup de morts en prison, mais que parmi celles-ci, il y a beaucoup d’appels au secours sans réponse. Zoom avant lent. Le vide affectif des prisonniers ne peut être qu’incomplètement comblé par la présence du médecin.

[28’08]

Retour au plan poitrine sur le médecin interne en costume à carreaux. Le journaliste lui demande si les détenus racontent leur vie. L’interne répond que les médecins peuvent déclencher l’envie de raconter, et ce qui est raconté n’est pas toujours facile à entendre (événements difficiles, problèmes pour lesquels les médecins n’ont aucun pouvoir), et ils doivent parfois les empêcher de parler. Il lui paraît nécessaire de prendre de la distance par rapport à ce qui est dit. Étienne Lalou lui demande alors quelle est sa motivation à « rester ». Après un temps de silence, il répond par l’intérêt d’une activité où il est possible d’agir sur les individus, malgré leur solitude. Il voit aussi l’aspect politique de la prison : on trouve en prison les mêmes problèmes que dans la société extérieure. Il est interrompu par une annonce dans un microphone, qui appelle les détenus pour le déjeuner. Il voit en prison une interdiction de la parole pour les moins éduqués et une reproduction des privilèges pour les mieux placés dans la société extérieure, et un système d’exploitation. Il pense que les médecins de prison conservent leur métier pour des raisons passionnelles, malgré les contraintes qui influent aussi sur la vie familiale. Il observe qu’au début il avait tendance à être du côté des détenus alors qu’aujourd’hui, il a un regard plus équilibré sur les choses. Les gardiens sont à ses yeux aussi exploités que les détenus. Il accorde à la prise en charge de ceux-ci la même importance qu’en psychiatrie, d’autant que la sortie de prison s’accompagne d’un arrêt du suivi. Plan d’ensemble en contre-plongée, plan fixe et zoom arrière à travers la fenêtre de la pièce. Des détenus marchent dans la cour. Le journaliste demande à l’interne quel est le pouvoir du médecin de prison. Celui-ci répond qu’il est considérable mais doit être bien utilisé. Le médecin endosse aussi le rôle de responsable des incidents et a le rôle de parapluie en échange du pouvoir qui lui est donné. Il note une démission des pouvoirs publics traditionnels.

[35’46]


Les luttes des détenus

[35’46]

Plan poitrine sur un détenu. Il a été traité durant sa détention pour une tuberculose et un problème de thyroïde. Libéré quelques jours plus tôt, il est revenu à la prison pour être soigné. Il voulait un sursis lui permettant de demander des médicaments à emporter dans son pays d’origine, mais il ne l’a pas obtenu. Plan moyen. Le détenu et, de dos, Étienne Lalou, sont tous deux assis. Un homme en costume est debout à côté d’eux. Zoom avant jusqu’à un gros plan sur son visage. Il explique que des détenus étrangers refusent de retourner dans leur pays, pour des raisons médicales, affectives ou politiques, et veulent un sursis, souvent refusé, à leur expulsion. Seul le juge d’application des peines peut retarder celle-ci. Un refus peut entraîner une grève de la faim ou un suicide de la part du détenu. Plans poitrine. Le médecin pense que le détenu a effectivement une maladie sérieuse à traiter en France.

Retour au plan poitrine sur l’interne en costume à carreaux. Le journaliste lui demande s’il se sent manipulé. Le médecin pense que son rôle est d’empêcher des scandales avec des décès en prison, et non la réinsertion. Il n’a aucun pouvoir pour l’intérêt des détenus.

[39’14]

Plan américain. Le journaliste est assis à côté d’un détenu sur un lit d’hôpital. Zoom avant jusqu’à un gros plan sur le visage de celui-ci. Il est en grève de la faim depuis seize jours et a du mal à parler. Il persistera jusqu’à sa libération ou sa mort. Il est huissier de justice, s’estime en détention arbitraire pense que son arrestation est illégale. Accusé d’abus de confiance, il est incarcéré depuis trois mois et dit n’avoir subi qu’un seul interrogatoire, au cours duquel son innocence aurait été démontrée. Maintenu en détention suite à un « blocage institutionnel », lui et ses avocats auraient usé tous les recours et il ne voit plus d’autre possibilité que la grève de la faim pour se faire entendre. Zoom arrière jusqu’à un plan rapproché taille. Il se dit très suivi par les médecins bien qu’il refuse tout soin et qu’il soit très affaibli. Questionné par Étienne Lalou sur une alimentation de force, il précise que seule une perte de conscience peut autoriser celle-ci, ce qui n’est pas son cas. Plan moyen. Le journaliste est toujours à côté de lui et lui demande si se priver de nourriture est la seule possibilité de se faire entendre. Gros plan sur le visage du prisonnier. Celui-ci ne voit pas d’autre moyen que de « jouer de sa vie » face à ce « blocage judiciaire ».

Nouveau retour au plan poitrine sur l’interne en costume à carreaux. Il pense qu’il ne faut pas laisser un patient mourir lors d’une grève de la faim. Il a le choix entre l’accompagner dans sa grève de la faim, contre l’administration, ou il se place au côté de celle-ci contre le détenu et son action. En voix off, Étienne Lalou lui demande si, à l’extrémité, il envisage une alimentation forcée. Le médecin rappelle que cela se fait déjà et estime qu’il est inenvisageable de laisser quelqu’un mourir. Tout au plus peut-il l’aider à faire durer sa grève sans qu’il ne se mette en danger.

[45’35]


Guérir en prison

[45’36]

Travelling latéral en contre plongée sur le couloir en mezzanine du premier étage, puis la caméra revient en plan moyen au rez-de-chaussée. Des portes de cellule et des hommes en blouse blanche. En voix off, le journaliste demande si l’on peut guérir les gens en prison. Son interlocuteur répond que ce n’est pas le but de la prison. Plan poitrine. Le docteur Yvert dit qu’il y a dans la prison un désir de vengeance et de sanction qui est sa fonction et sa signification première. C’est dans l’après-guerre que l’on s’est soucié du devenir des détenus et que l'on a cherché à introduire des méthodes rééducatives. Le rôle du psychiatre est d’apporter une connaissance sur la personnalité du délinquant.

Plan fixe. Une armoire ouverte dans une cellule. La caméra se déplace ensuite sur un détenu déjà interviewé plus tôt, assis sur son lit de cellule avec Étienne Lalou. Agé de trente ans, il est en prison depuis trente mois. Il est allé voir le médecin car il avait tenté de se suicider. Zoom avant lent jusqu’à un gros plan sur son visage. Grâce au docteur, il a eu des médicaments puis a eu une prise de conscience. Il a alors redécouvert des valeurs : la joie, les émotions, en parlant avec le médecin. Plan général du hall de la prison depuis le premier étage. Depuis dix-huit mois, il peint pour aller mieux et note l’intérêt des psychiatres pour ses œuvres. Plan fixe sur l’une de celles-ci puis plan rapproché poitrine sur le détenu. Cette activité, dit-il, lui permet de dialoguer avec lui-même et avec les autres.

[50’42]

Nouveau plan panoramique en contre-plongée sur le couloir en mezzanine du premier étage. Deux membres du personnel de la prison passent avec un chariot. Autre plan général du hall depuis cet étage où marche un homme en blouse blanche. Étienne Lalou demande au docteur Yvert comment les médecins sont vus par les détenus. Plan poitrine sur son interlocuteur. Il dit que le psychiatre est regardé comme un expert envoyé par le juge pour consigner les paroles des détenus et décider de leur sort. A la fois allié potentiel et personnage redoutable, il est considéré avec réserve voire méfiance et tout ne lui est pas dit. Puis, malgré les difficultés, une relation se noue et le psychiatre devient un thérapeute. Il peut aussi être vu comme un médecin traitant, qui appartient au système mais qui vient de l’extérieur et qui peut aider. Sollicité au départ par l’administration pour faire baisser les conflits et les tensions, le psychiatre se trouve ensuite face à des demandes croissantes venant des détenus eux-mêmes. Le docteur Yvert estime que sa mission est réussie s’il a aidé le détenu à s’assumer lui-même. Zoom avant jusqu’à un gros plan sur son visage. Il parle aussi des surveillants, qui partagent des conditions difficiles avec les prisonniers et souffrent aussi dans leur travail. Si celui-ci était autrefois simple et traditionnel, consistant à faire appliquer un règlement, il est devenu plus complexe, puisqu’il leur est demandé de participer à la rééducation des détenus et d’entrer en dialogue avec eux alors qu’ils ne sont pas spécialement formés pour cela. Plan rapproché taille puis alternance de zoom arrière et de zoom avant. Un surveillant se tient derrière une grille. Il ouvre celle-ci pour laisser passer l’un de ses collègues, suivi de trois hommes portant un panneau de bois et une grille. Retour au plan rapproché poitrine du docteur Yvert. Il reconnaît que les surveillants ne réussissent pas tous à s’adapter.

[56’55]


Les surveillants de prison

[56’56]

Plan panoramique rapide et zoom avant. Un surveillant est assis au téléphone. Plan d’ensemble et autre zoom avant. Un détenu passe la grille vue précédemment ; le gardien la referme derrière lui. Plan poitrine et zoom arrière lent jusqu’à un plan taille. À la demande d’Étienne Lalou, qui est hors champ, le directeur de la prison de la Santé et secrétaire général de la fédération « Justice » à Force Ouvrière, Mr Bonaldi, parle du rôle des surveillants dans la santé des détenus. Il dit que la prison est un lieu de surveillance mais aussi de vie. Zoom avant. Inquiété par la situation de certaines prisons où il n’y a que mur et portes, il estime important que gardiens et détenus se côtoient car ainsi ces derniers ne vivent pas seuls. Il pense qu’une fois le crime sanctionné, le secteur de la neutralisation du criminel s’ouvre mais doit aboutir à la réinsertion. Le rôle du surveillant peut ressembler à de l’assistance sociale, mais les institutions ne sont pas adaptées à cette réalité, il faut donc les rénover et modifier le rôle des surveillants. Zoom avant jusqu’à un gros plan sur le visage de Mr Bonaldi. Il trouve normal, comme le constate Étienne Lalou, que les détenus voient un ennemi chez les surveillants car ils représentent la justice répressive. Léger zoom arrière. « C’est une mission de service public ». Il ajoute cependant que, bien qu’il y ait une opposition entre ceux qui gardent et ceux qui sont gardés, le but commun reste celui de la sortie des condamnés. Plans généraux panoramiques verticaux. Quelques hommes en blouse blanche font leur ronde au rez-de-chaussée et au premier étage du hall intérieur du bâtiment. Le journaliste évoque une récente révolte du personnel. Retour au plan rapproché poitrine du directeur, qui la trouve justifiée car le rôle des surveillants est difficile. La prison est la dernière étape quand « tout le monde a échoué ». Les gardiens sont alors des « éboueurs qui épongent les produits de la consommation de cette société ». Vilipendés par la société en raison de leur sévérité ou de leur faiblesse supposée, ils recherchent un peu de considération et une place institutionnelle précise » aux côtés des gardiens de la paix et des magistrats. Travelling latéral sur des portes de cellule.

[63’49]

Nouveau retour au plan poitrine sur le docteur Yvert. Il aime être un soutien thérapeutique pour ceux qui ont besoin d’aide. Son métier n’est pas si différent du psychiatre à l’extérieur de la prison. Il croit en la possibilité d’évolution de la personnalité.

Retour au plan poitrine sur le directeur de la prison. Selon lui, être surveillant de prison est une vocation. Travailler avec autrui est un beau métier même lorsqu’il s’exerce en prison.

[66’16]


Conclusion: retour sur la mutinerie de la maison d'arrêt d'Amiens

[66’17]

Plan général de la maison d’arrêt d’Amiens et zoom avant sur les fenêtre des cellules. En voix off, Étienne Lalou rappelle que des manifestations de prisonniers ont eu lieu quelques années plus tôt. Une voix d’homme demande aux détenus pourquoi ils se sont mutinés. Réponse difficilement intelligible de ceux-ci. Succession de zooms arrière. Plan panoramique. L’objectif de la caméra suit une fourgonnette de gendarmerie qui entre dans l’établissement dont les portes sont refermées. Étienne Lalou estime que, même injustifiée, cette révolte pourrait avoir rétabli le dialogue.

Images en noir et blanc. Des femmes sont devant la porte de la prison. Un journaliste les informe d’une rébellion de prisonniers. L’une d’entre elles demande à voir le directeur. On leur répond que les visites sont impossibles. Elles s’en indignent et l’une d’elles, interviewée, s’en prend aux gardiens.

Plan panoramique vertical sur la grande porte de prison et plans divers. Des gendarmes mobiles sortent de l’établissement. Étienne Lalou fait état d’une réforme et estime que bien traiter les détenus est dans l’intérêt de toute la société. Autres images d’archives : interview d’un représentant de l’administration pénitentiaire qui pense que la situation est rentrée dans l’ordre, et que certaines revendications, comme une heure de promenade par jour et des séances de sport, sont tout à fait recevables. Il concède toutefois que la question salaire des détenus en atelier ne peut être résolue « à l’échelon de la maison d’arrêt d’Amiens ». Il ne rapporte cependant aucune violence et peu de dégâts. Autre plans divers. Étienne Lalou conclut qu’une libéralisation est souhaitée par tous ceux qui sont familiers du monde carcéral. Il se fait l’écho des propos d’un détenu qui craint qu’un recul des pouvoirs publics « face à la partie la plus rétrograde de l’opinion publique », et l’interruption du processus d’humanisation de la prison risque d’aboutir « à une véritable explosion ». Arrêt sur image, musique et générique de fin.

[71’19]

Notes complémentaires

Références et documents externes

-CARLIER Christian, Histoire de Fresnes, prison “moderne” : de la genèse aux premières années, Paris, Syros, 1998

-FIZE Michel, Une prison dans la ville : histoire de la “prison modèle” de la Santé, 1867-2014, Paris, Buchet-Chastel, 2015

-Michel Foucault, Surveiller et Punir

-MASMOUDI Wafa Harrar, “Le statut du détenu malade”, Droit, Santé et société, n°5-6, 2018, p.59 à 77

-MILLY Bruno, Soigner en prison, Paris, PUF, 2001

-MUCCHIELLI Laurent (dir.), Histoire de la criminologie française, Paris, L’Harmattan, 1995

-PETIT Jacques-Guy (dir.), Histoire des galères, bagnes et prisons, XIIIe-XXe siècles : introduction à l’histoire pénale de la France, Toulouse, Privat, 1991

-VIMONT Jean-Claude, La prison : à l’ombre des hauts murs, Paris, Gallimard, 2004

Contributeurs

  • Auteurs de la fiche : Juliette Reichenbach
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